La compagnie d’assurance Aviva plc ruine la protection des investisseurs voulue par MIFID avec l’annonce d’une mesure qui a finalement été abandonnée.

«Help people defy uncertainty.»

Tel est le but officiel, publié sous forme de slogan d’Aviva plc (ci-après: Aviva), une compagnie d’assurance sise en Angleterre.

Dans les années nonante, elle décide, comme bon nombre de ses pairs, de se financer en émettant des actions préférentielles, sans droit de vote mais avec un dividende fixe qui avoisine les 9%.

Ces rendements étaient courants sur les marchés. Par ailleurs, le prospectus d’émission de ces titres aux caractéristiques proches de celles des obligations standard, mentionne leur caractère  «irredeemable», soit non remboursable.

Sur les marchés actuels, de tels rendements fixes et de surcroît pour des titres non remboursables, apparaissent naturellement comme très attractifs.

En mars 2017 lors de la publication de ses résultats, alors que le cours des titres avoisine 170 (par rapport à un prix d’émission «au pair» de 100), Aviva annonce, par le biais de son CEO Mark Wilson, qu’elle envisage de rembourser 450 millions de Livres desdits titres au pair, soit à 100.

Le marché est abassourdi et le cours des titres chute de plus de 30% immédiatement.

Des milliers de petits investisseurs, ayant choisi de «défier l’incertitude» en thésaurisant l’épargne de toute une vie dans des titres sûrs et réputés non-remboursables, prennent peur et ne savent que faire.

D’autres, plus grands, tel un BlackRock ou un GAM, se succèdent à la table du CEO pour plaider leur cause.

La Financial Conduct Authority, passive dans un premier temps, finit par être interpellée et enquête sur un possible abus de marché de la part de l’assureur.

En parallèle, ce dernier finit par renoncer à ses intentions.

Quelle mouche a piqué les dirigeants d’Aviva?

En bonne corporate governance, le haut management d’une entité a un devoir fiduciaire envers les actionnaires, celui de gérer l’entité dans l’intérêt de ces-derniers. On compte parmi ce devoir la chasse aux coûts inutiles. Le remboursement d’une ardoise coûtant la bagatelle de 8% par année à une époque où il est possible de se financer à des taux largement inférieurs, apparait dès lors comme une mesure appropriée et nécessaire au regard de ce devoir fiduciaire.

Peut-être que les dirigeants ont cru déceler quelques années plus tôt dans l’affaire de la Lloyds qui avait également impunément remboursé des obligations censées être non remboursables, une autorisation de réduire le service de la dette de telle sorte. Le hic est que le prospectus de la Lloyds indiquait qu’un remboursement pouvait quand même intervenir «for regulatory purposes».

Le prospectus d’Aviva reste muet sur ce point.

La compagnie a semble-t-il plutôt pris appui sur le UK Company Act, section 641 qui permet le remboursement de ce type de titre lors d’une réduction de capital, avec une approbation judiciaire doublée de celle des actionnaires.

L’Angleterre est un des grands artisans de la législation MIFID. Ces milliers de pages, clauses et autres principes ont été sécrétés par l’Union européenne et servis à l’opinion publique après la crise de 2008. Ces «lessons learned» comme disent les Anglais ont pour but premier d’augmenter la protection de l’investisseur et d’éviter les affres de 2008.

L’investisseur est désormais informé de tout, des prix d’exécution d’une transaction, du coût de son conseiller financier qui sera imputé à la performance de ses placements, de la best exécution (soit des brokers choisis par l’établissement), du coût de la recherche, des analyses économiques, etc.

Est-il informé des risques qu’il prend en investissant dans tel ou tel produit? Assurément oui au regard de MIFID.

Petit bémol:

Les titres d’Aviva n’étaient pas de prime abord des titres «complexes» au sens de MIFID, ni d’ailleurs des instruments non traditionnels selon la brochure de l’Association suisse des Banquiers ‘Risque particulier dans le commerce de titres’ qui est remise aux clients afin de satisfaire au devoir d’information de l’intermédiaire financier. Or une baisse soudaine de 30%  est plutôt l’apanage de titres non ordinaires ou complexes.

On peut se demander si malgré le déferlement de normes MIFID, PRIPS, MIFIR, UCITS etc. qui devraient être appliquées uniformément au sein du marché européen, les droits nationaux et leur interprétations, forcément nationales, ne sont pas les véritables obstacles à la protection des investisseurs voulue par MIFID. En droit international pourtant, les accords et normes internationaux priment sur le droit national et MIFID devrait donc l’emporter sur le UK Company Act.

En l’occurrence, Aviva ayant renoncé à ses plans, les mécanismes juridiques de l’Union ne pourront pas être mis en œuvre et parler.

Le prix des titres, lui, nous parle en se négociant aujourd’hui toujours avec une décote de plus de 14% par rapport à son niveau de janvier-février 2018.